Collaboration interdisciplinaire : un atout pour ma pratique
- Matthieu Viteau
- 9 mai 2022
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 juil. 2022
Dès avant mon établissement en septembre 2021, je n’envisageais pas de pratiquer la psychothérapie seul et isolé. Mon premier métier a été celui de consultant en stratégie, qui m’a fait prendre conscience dès les premières années de l’importance de travailler en équipe pluridisciplinaire : outre le fait que je n’avais pas le choix, j’ai surtout réalisé l’enrichissement que me procurait la diversité des approches par lesquelles il était abordé. J’ai ainsi pratiqué la complexité (telle qu’Edgar Morin l’a explicitée) dans de nombreux domaines (civil, militaire ; évoluant dans de cultures différentes ; dans la gestion de projets ; dans l’aide à la prise de décision stratégique et opérationnelle, etc.).
Une de mes intuitions, tout au long de mes formations et encore plus maintenant avec les personnes que j’accompagne, c’est que je voulais travailler avec la complexité humaine avec les avantages qu’offre la pluridisciplinarité.
1. La maison de santé
Travailler en maison de santé m’est un excellent point de départ alors que je débute ma pratique psychothérapeutique.
Une des caractéristiques du « milieu rural » où je pratique est qu’il est qualifié de (par les institutions en charge des politiques publiques pertinentes) et perçu par les populations qui y vivent de « désert médical ». Et d’ajouter « de paramédical et tout ce qui va autour ». Une des manières de mitiger les effets des lacunes et manques en matière de services médicaux et paramédicaux est de créer dans des villages[1] des maisons de santé qui accueillent des personnes aux compétences variées, si possibles complémentaires les unes des autres.
C’est ainsi que je travaille toutes les semaines avec un docteur en médecine généraliste (également maître de stage pour internes) et une kinésithérapeute qui occupent le même lieu. Les locaux abritent également une infirmière, une diététicienne et une assistante sociale.
Ce principe de pluridisciplinarité se retrouve dans toutes les maisons de santé du territoire où je pratique.
J’ai découvert rapidement le rôle fondamental du médecin généraliste : c’est elle qui a, dès les premiers jours de mon installation, recommandé à des patient(e)s de s’adresser à moi, soit pour soutenir leurs efforts pour résoudre leurs problématiques, soit pour s’autonomiser (par rapport à des médicaments, par rapport à des symptômes trop envahissants).
De ce fait, un suivi complémentaire peut se réaliser entre professionnels pour permettre à une personne de parvenir au rétablissement souhaité.
Plus les relations humaines et la qualité des échanges entre praticiens sont porteuses, plus le succès d’une approche interdisciplinaire est efficace.
En tout état de cause, avant tout échange avec des collègues, je demande aux personnes qui me demandent les accompagner si elles acceptent que j’échange à leur sujet : je suis tenu à la confidentialité des informations, au secret professionnel, et à ma propre éthique. Jusqu’à présent, nul ne s’est jamais opposé à cette démarche.
2. La supervision
J’ai déjà traité ici de la supervision et des avantages que j’y trouve.
Bien que d’un premier abord « psychologue » et « sophrologue psychopraticien » puissent paraître redondants et non pas complémentaires, la réalité me démontre que plutôt que les étiquette, c’est la pratique, la présence et le savoir-être qui créent la complémentarité.
Dès la première séance de supervision, la psychologue m’a considéré « complémentaire » à sa présence et à son offre thérapeutique (je suis un homme, elle est une femme ; j’utilise la sophrologie, elle n’y est pas formée ; elle est installée depuis 20 ans, je suis l’ « étranger » et cette posture permet un autre type de relation thérapeutique, etc.).
Il arrive que nous accompagnions les mêmes personnes, et nos approches s’avèrent complémentaires, y compris de manière qui me sont inattendues.
Elle me parle d’outils que j’ignore (des jeux de cartes pour engager une conversation difficile avec un enfant, pour permettre de discuter avec une cliente d’un sujet neutre pour abaisser angoisse et aborder une problématique par voie progressive), me suggère des perspectives et des concepts qui ne me paraissaient pas évidents, etc.
Plus que d’étiquette et de disciplines complémentaires (les plaques dorées sur l’entrée), il s’agirait ici plutôt d’expériences et de sensibilités complémentaires.
3. L’interdisciplinarité : une affaire de relations humaines
Je ne me considère pas thérapeute, mais plutôt un être humain s’étant formé – et qui continue de se former – à différentes approches thérapeutiques. Plus que les crédits académiques – indispensables, mais je ne les considère pas gage des qualités nécessaires pour proposer un accompagnement thérapeutique de qualité –, je considère que c’est la sensibilité, l’empathie, la présence et l’écoute qui permet aux clientes et aux clients de parvenir aux changements désirés.
Je n’envisage pas de différence dans mon attitude avec les autres professionnels de santé. Dans une approche interdisciplinaire, le tout (l’effet final recherché – et idéalement atteint – par les patients/clients) est supérieur à la somme des parties, et si une partie nuit aux efforts des autres alors le tout s’en trouve dégradé. Certes les compétences et les années d’études sont différentes pour chaque partie prenante mais ce qui m’importe, c’est le ressenti et l’autonomisation du client.
En établissant les meilleures relations avec d’autres praticiens, mon but est de m’insérer en délicatesse et si possible progressivement aux accompagnements et protocoles existant, et cela implique. L’accompagnement thérapeutique se joue, à mon sens, parmi les thérapeutes eux-mêmes : s’informer les uns les autres de l’évolution de la santé de patients/clients permet d’éviter pour ces derniers l’effort des redites, limiter les probabilités de réveiller des émotions ou des sensations douloureuses en les évoquant de nouveau, renforce le sentiment d’être entouré par des personnes qui se préoccupent de synchroniser leurs approches.
4. L’interdisciplinarité : une forme de formation continue
Ma formation « initiale » a duré 3 ans, stages pratiques inclus. J’ai simultanément ajouté à ma « harpe » d’autres « cordes » – et je continue de le faire soit de manière formelle (participation à des journées professionnelles, acquisition de nouvelles compétences, de nouveaux outils, etc.) soit de manière informelle (lecture de magazines/revues/livres, écoute de podcasts et de conférence sur internet, etc.).
Je considère formidablement enrichissantes les discussions que j’ai avec les collègues docteur en médecine, infirmières, kinésithérapeute, psychologue, sages-femmes, responsables d’associations de patients, et autres contributeurs à la santé.
Ainsi ai-je découvert en pratique ce qu’est le « Xanax » – plus précisément l’alprazolam –, quels sont ses effets cliniques, ses conditions d’utilisation (et non pas de consommation…) ; ce qu’est l’ « Actiq », et comment agissent/réagissent les patient à qui ces médicaments sont administrés.
La pluridisciplinarité – et les relations humaines qui permettent de la vivre et d’en bénéficier – permet l’échange de points de vue, voire de méthodologies, la découverte de l’état de l’art dans un domaine particulier. Elle permet aussi d'avoir accès à des ressources "sélectionnées" (comme les revues professionnelles).
L’interdisciplinarité permet d’envisager la complexité, à condition de la créer et de l’entretenir. Au vu de la richesse des expériences qui me sont confiées, je ne vois pas comment je pourrais pratiquer sans.
[1] Choisis selon leur accessibilité (carrefour de routes fréquentés, durée de trajet, bassin démographique, etc.), la présence d’autres services (commerces, EHPAD/maison de retraites, services publics, etc.) et autres paramètres jugés pertinents par le niveau d’administration territorial compétent (communauté de communes, pays, conseil départemental, etc.)



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